• Georges Drano, en poésie dans le paysage

    Jean-claude Leroy 

    On se souvient du documentaire de Joris Ivens et Marceline Loridan, Une histoire de vent, où l’on se frottait à la difficulté de filmer un déplacement d’air, avec l’aide ou pas d’un ventilateur. Dans un livre récent, Georges Drano avait lui aussi fait le pari d’attraper le vent. Et il y était parvenu, avec ses mots à lui, qui ont des mains gantées de velours ou d’effacement. Il était allé même jusqu’à habiter le vent, avant de le voler et goûter « un vent sans mémoire qui passe d’une parole à l’autre sans jamais rêver de sa chute ».

    À tout prendre
    le souffle de la terre est là
    dans ce que nous sommes
    d’élans et de fuites éperdues

    Refermant la porte sur le vent et ouvrant un nouveau recueil que publient les éditions Folle Avoine, on peut voir Georges Drano Entrer dans le paysage. Il aime à faire avec l’espace qui l’entoure ; un peu physicien, assez métaphysicien aussi, il déroule au-devant de lui un fil d’Ariane existentiel et le suit sans discuter, déroulant les mots comme pour fraterniser avec le chemin autant qu’avec les promeneurs. On est rarement seul sur un sentier, et s’il est à quelque altitude, il dira qu’« à cette hauteur chacun peut aller vers soi ». Et il embrassera un horizon plus large de possibles.

    Partir est une ancienne plainte
    qui nous apprend à accueillir le temps.
    Quand le chemin est immobile
    la journée se remplit d’elle-même.
    […]

    Oui, il est clair que pour Drano, le paysage ressort d’une contemplation inhérente à la promenade, et il est aussi lié sans doute à la marche en tant que rythme, fût-elle tranquille et rêveuse. Comme il se revêtait de vent, il se revêt du chemin, il y habite sauvagement, redécouvrant une sienne enfance ou le passé de tous les hommes.

    Mais c’est finalement une seule méditation qui se décline au fil des poèmes, un sentiment de l’existence qui s’éprouve au gré d’un regard répondant à ce qu’il voit, cela exposé dans une langue qui se sépare et se retrouve, avec l’aisance du combat naturel, à l’endroit même où la vie quotidienne se frotte à la vitre des jours.

    […]
    Creusé par la parole
    Le présent nous rapproche
    On s’écoute marcher
    Quand le bruit de nos pas
    Est la seule réponse qui s’avance

     

    Blog Outre l'écran/Mediapart, novembre 2019

     * * *

    Georges Drano, Entrer dans le paysage, éditions Folle Avoine 2019. 18 €
    Georges Drano, Vent dominant, éditions Rougerie, 2019. 12 €


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