• À propos d'Anthony Girard, "Behind the Light" (Diapason, avril 2015)


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    Diapason, avril 2015Classer Anthony Girard parmi la foule des « indépendants » serait malvenu tant sa sensibilité esthétique se situe aux antipodes du courant dominant de l'avant-garde. Revendiquant la liberté d'écrire une musique tonale, au sens large, Girard entretient des rapports plus étroits avec les répétitifs-minimalistes américains ou avec l'ascèse d'Erik Satie, leur ancêtre commun. La différence réside dans un lyrisme avoué et une dimension métaphysique qui le rapprochent d'Olivier Messiaen, Arvo Pärt ou Jean-Louis Florentz.

    Ces références seraient un poids si les œuvres ici réunies ne tenaient pas les promesses de leurs titres. La sonate pour violon et piano, Behind the Light (2005) est bien « tout entière tendue vers la lumière, ou mieux, vers l'au-delà de la lumière »  : cela crépite un peu systématiquement au début puis, insensiblement, le violon d'Isabelle Flory, impalpable et charnu tour à tour, fait décoller le piano rebelle de Geneviève Girard. Plus ça va, au fil de ces vingt-trois minutes, plus l'oreille se régale des incises, des « accidents » qui infléchissent une régularité tonique vers une incantation jubilatoire.

    L'Oiseau d’éternité (2011) poème pour piano, débute aussi dans un dépouillement dont on n'imagine pas les progressions à venir, ardemment rendues par Geneviève Girard, mais qui déboucheront sur une conclusion poignante : le rêve d’être libéré du temps, par le pouvoir de le suspendre propre à la musique, montre ses limites impitoyables. Antérieur d'un quart de siècle, le duo pour violoncelle et piano, Vers le ciel (1987), se distingue par une écriture moins radicale : aussi bien sonnante - et c'était encore un crime à l'époque - mais davantage mouvante, elleà propos de Antony Girard, "Behind the Light" (Diapason, avril 2015) procède par élans et contrastes qui portent l'auditeur vers une illumination plus lyrique que mystique. Fabrice Bihan y fait valoir toutes les ressources d'un jeu dont l'éloquence frappe déjà dans les Deux épices d'après Marc-Aurèle (2001). Le compositeur y cultive une chaleur dont l'intensité coule rarement avec autant de générosité sous la plume de ses confrères. Anachronique ? Peut-être. Excessif ? Sans doute. Authentique ? Sûrement.

    Gérard Condé

     

     


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